Jeanne Galzy, romancière d'ici tombée dans l'oubli

Publié le par Jérôme Carrière

Il y a 90 ans cette année, Jeanne Galzy décrochait le prix Fémina. Qui est donc cette Montpelliéraine, née Louise Jeanne Baraduc et issue d'une famille protestante aisée, qui demeurait dans la splendide Villa Beauséjour, rue Guillaume de Nogaret, entre Arceaux et Figuerolles, hier en pleine campagne, aujourd'hui en bordure de voie rapide ? Une impasse dans le secteur des Bouisses, un bâtiment de l'université Montpellier III et surtout un club de loisirs du 3e âge au coeur de la cité Astruc perpétuent le nom de cette romancière qui a publié pendant près de 70 ans mais a sombré dans un oubli complet et injuste. Tout comme Frédéric Bazille, elle repose au cimetière protestant de Montpellier.

Fille d'un mercier installé dans la Grand-Rue, Jeanne Galzy bouscule son époque à plus d'un titre. Elle est une des premières à oser faire ce que les filles ne faisaient alors pas. A commencer par des études supérieures. Sévrienne, elle quitte l'école normale supérieure avec une agrégation de lettres classiques. Elle se tourne naturellement vers l'enseignement. A Montpellier, à l'heure où le premier conflit mondial occupe hélas bien des hommes, elle est la toute première, pour compenser les effectifs mobilisés, à enseigner au lycée de garçons de la ville. Frappée par une tuberculose osseuse, elle est néanmoins contrainte de stopper ses activités et se retrouve déplacée à Berck pour un long séjour de soins. Jamais la maladie ne l'empêchera d'écrire. "Les Allongés" qui reçoit donc le prix Femina en 1923 (deux ans avant le chef d'oeuvre d'un autre languedocien et d'une autre Jeanne, la "Jeanne d'Arc" de Joseph Delteil) raconte largement cette période de souffrance vécue dans un corset prenant presque entièrement son corps.

Son état de santé ne lui permettant pas de poursuivre dans la voie de l'enseignement, Jeanne Galzy se consacre alors pleinement à l'écriture. Une oeuvre foisonnante où elle évoque tant sa ville de toujours ("La Grand Rue"), sa vocation d'enseignante ("La femme chez les garçons"), des biographies soignées ("Catherine de Médicis", "Agrippa d'Aubigné", "Diane de Ganges" ou "George Sand") et une fresque romanesque en quatre tomes ("La surprise de vivre") qu'elle commence à rédiger à plus de 80 ans !

Mais Jeanne Galzy est également considérée comme une des toutes premières à avoir écrit au sujet de l'amour lesbien en des temps où tout cela était parfaitement tabou. En cette année 2013 où Montpellier a enregistré en mairie le tout premier mariage homosexuel en France enfin autorisé par la loi, il est bon de rappeler que, dès 1929, une écrivaine montpelliéraine a couché sur le papier les tourments d'amours non autorisées. "L'initiatrice aux mains vides", publié aux éditions Rieder, raconte l'histoire vécue entre une enseignante, Marie Pascal, et une de ses élèves, Annette Rieu. Cet ouvrage n'évoque jamais le sexe ni même franchement l'amour lesbien mais le trouble est permanent tout comme l'attirance pour une autre. Sorti de son contexte, il paraitra un rien désuet au lecteur moderne tant il aura le sentiment que l'auteur livre aussi un recueil d'amour maternel en souffrance. La postérité, et c'est heureux, a surtout retenu le trouble des sentiments. Celui qui n'était pas bon à dire et encore moins à écrire.

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